Il a fallu un événement assez exceptionnel,  dans une petite paroisse,  pour  que s'y produise un baptême de cloches

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AUDELONCOURT

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L'INCENDIE

À Audeloncourt, ce samedi 21 juin 1914 se terminait par un orage comme il en arrive souvent dans la région: tout à fait ordinaire, avec son lot de pluies et de coups de tonnerre. Il n'était pas vraiment sur le village, mais plutôt au loin, sur le Bassigny

Il allait se terminer quand, vers 20 h 30, le dernier coup de tonnerre éclata, plus proche et plus fort que les autres: la foudre venait de frapper tout près! Tout le village l'entendit, mais deux hommes assis sur un banc, devant une maison au milieu du village, Arthur Garnier (surnommé: l'astronome) & Abel Rémond virent l'éclair frapper le sommet du clocher de l'église! "- c'est tombé sur le clocher!" s'exclama le premier. "- ah! ça y est! l'astronome à parlé!" le plaisanta le second! 

Au début, rien d'anormal ne se signala, mais le coup avait porté et le feu faisait sournoisement son œuvre!  Ce n'est qu'une heure après, environ, que l'extrémité de la flèche s'embrasa!

Aussitôt, toute la population du village accourut, mais le feu était déjà trop important et les villageois déconcertés et impuissants devant l'ampleur du sinistre ne purent que se borner à préserver l'église, transportant l'eau en faisant la chaîne à l'aide de seaux en toile et la projetant sur l'édifice avec la pompe à bras des sapeurs-pompiers; équipement rudimentaire, mais déjà important pour un village de l'époque!

Alors, la grande croix qui dominait la flèche, tomba sur l'un des côtés de la tour; Puis l'horloge s'effondra à son tour avec le plancher qui la supportait! Détail navrant mais remarqué: elle avait commencé de sonner les douze coups de minuit sans pouvoir achever!

Puis ce fut au tour des deux cloches de s'effondrer avec fracas en se brisant l'une sur l'autre!

Quand tout fut terminé, seuls subsistèrent les murs de la tour.

". . . le coup avait porté et le feu faisait son oeuvre . . ." 

 

Pour ajouter au désastre, le lendemain, pendant les travaux urgents de protection occasionnés par cet incendie, la pluie orageuse de la veille avait inondé la "prairie"(la plaine de la Meuse toute proche) à l'époque précise de la récolte des foins! 

d'après le récit de Mr l'abbé Girault dans le bulletin "Echo paroissial d'Audeloncourt" de juillet 1914 et de détails de la mémoire orale!

 

< le clocher avant 1914

(photos 1909)

 

l'église dans son environnement >

 

UN PETIT HISTORIQUE DE L'ÉGLISE

L'église d'origine datait du Xème siècle (soit un siècle avant celle du prieuré de Clefmont) et était la plus ancienne de la proche région. Elle desservait les paroisses alentour ainsi que le château de Clefmont. Par la suite, alors que tous les villages se construisaient une église, elle garda le statut de doyenné!

Au milieu du XIXème siècle, beaucoup trop vétuste pour que le culte puisse y être assuré en sécurité, il a fallu se resoudre sa reconstruction. Il avait été envisagé, à cette époque, de la rebâtir au centre du village, en contrebas de son emplacement d'alors, mais le sous-sol, trop peu stable, ne permettait pas de supporter une telle construction. Il a donc fallu la replacer à son ancien emplacement, telle que nous la voyons sur les photos ci-dessus!

Après l'incendie, éclata la guerre de 14-18 (Août) et cela retarda les travaux de reconstruction du clocher. Ce n'est qu'après la fin des hostilités que pu être entreprit le remplacement des cloches détruites et la reconstruction du haut du clocher (1920). 

 

 

 

 

LES  NOUVELLES  CLOCHES

< Les nouvelles cloches vont être baptisées!

Mr l'abbé Girault, curé doyen,  donne une échelle de leur taille!

la plus grosse: Lucie Marie Camille 

La moyenne: Paule Alice

la plus petite: Huberte Marie

En ce jour remarquable, la foule se presse autour des cloches, dans la rue de l'église devant le présbytère >

 

Ces 2 seules  photos de l'événement ont été prises par Mr l'abbé R. Raby

 

Avec le métal des deux anciennes, brisées lors de l'incendie, trois nouvelles cloches ont été fondues le 9 FÉVRIER 1920, dans l'atelier de M. FARNIER à Robécourt. Le jour de la fonte, M. le Curé se rendit à Robécourt pour bénir le métal en fusion. 

 Musicien dans l'âme, l'abbé Girault avait tenu à avoir des cloches aux trois tons en accord! Il fallu ajouter un peu de métal à celui des anciennes cloches afin de l'obtenir!

 

                               Leurs poids respectifs:      ***    elles donnent un  accord majeur:

Lucie - Marie:  971 Kgs                 donne le "mi"

Paule - Alice:   688 Kgs                  donne le "fa dièse"

Huberte - Marie:   472 Kgs           donne le "sol dièse"

*    *    *    *    *    *    *    *    *    *    *    *    *    *    *    *    *    *    *    *    *    *

Ci-dessous, l'intégralité des inscriptions gravées sur les cloches:

2 parties dans cette inscription: une partie commune aux trois et une partie spécifique à chacune d'elles

a) Partie commune:

"Dieu soit béni"

Détruite par la foudre, le 21 juin 1914, j'ai été refondue en 1920, pour la commune d'Audeloncourt, sous l'administration de MM; Brançon Charles, maire; Royer Fernand, adjoint; Rémond Abel; Flammarion Paul; Page Léon; Gillot Charles; Denis Paul; Kennel Michel; Royer James; Charles Georges, conseillers municipaux.

M. l'abbé Girault étant Curé  doyen de la paroisse

j'ai été baptisée par Mgr Louvard, évêque de Langres

b) Pour la grosse

J'ai eu pour parrain, Mr Lucien Royer, et pour marraine Mlle Marie Flammarion.

je m'appelle Lucie - Marie

M. l'abbé Camille Flammarion, mort pour la Patrie, a aidé à ma refonte

 

c) Pour la moyenne

J'ai eu pour parrain, M. Paul Flammarion et pour marraine, Mlle Alice Brançon.

Je m'appelle Paule - Alice

M. Nicolas Ballain a aidé à ma refonte

d) Pour la petite

J'ai eu pour parrain, M. Hubert Charles, et pour marraine, Mlle Marie Dubois.

Je m'appelle Huberte - Marie

Mme Vve Dubois a aidé à ma refonte

" Cette inscription reste comme document historique, et pourra servir aux générations futures, comme base de recherches  sur les personnes, et sur les événements qu'elle rappelle.   Votre Curé " (Abbé Girault, écho paroissial de MAI 1920 ) 

 

LE  BAPTÊME

 

LES PRÉPARATIFS

La cérémonie est fixée au dimanche 2 mai, M. l'abbé Girault conseille à ses paroissiens d'inviter parents et amis pour cette belle fête.  Le succés de cette cérémonie dépendait pour beaucoup du temps qu'il ferait ce jour-là: jusqu'à la veille, tout faisait craindre le mauvais temps! Mais, le jour dit, il fait une superbe journée!

Les trois cloches sont suspendues après un châssis de bois érigé par Eugène Rodier, artisan  maçon - charpentier - couvreur, dans un encadrement de verdure émaillé de fleurs; le drapeau de la victoire*, flotte au-dessus de chacune; des rubans de guirlandes relient le tout ensemble. 

*(nota: nous ne sommes que 2 ans après la fin des hostilités et le patriotisme est encore très vif)

 

LA CÉRÉMONIE   ( dimanche 2 mai 1920)

d'après le texte de M. l'abbé Girault 

A deux heures, arrive Mgr Louvard, en voiture automobile, accompagné du vicaire général Lindecker et du chanoine Racq .

 Après le mot d'accueil de M. l'abbé Girault, l'évêque, en habits pontificaux, ouvre la procession vers l'église. Celle-ci est vite remplie, et beaucoup de fidèles doivent rester dehors! 

La cérémonie commence par le chant du Magnificat; puis, après une cantate, Monseigneur monte en chaire.

Exprimant d'abord sa joie d'être venu, il explique, à l'assemblée, les significations des gestes rituels de cette célébration. Il s'associe à la vie des paroissiens, en montrant la part que prennent les cloches dans leur quotidien, aussi bien social que familial et individuel. Pour terminer, il rappelle aussi les devoirs chrétiens auxquels les invitent les différentes sonneries.

 

Puis départ vers les cloches: le grand moment est arrivé! Ceux qui n'ont pas pu entrer dans l'église se retrouvent en première place, se pressant en un groupe compact que la procession a du mal à traverser!

Et la belle cérémonie se déroule: avec les psaumes, alternent la bénédiction de l'eau dont les cloches sont purifiées, les onctions dont elles sont consacrées et les bénédictions dont elles sont glorifiées! 

Ensuite l'évêque, puis le curé et enfin les parrains et marraines peuvent faire donner aux cloches leurs premiers sons dans un accord parfait!  

"La foule, un peu bruyante, s'était jusqu'alors difficilement contenue;  ce fut, à ce moment, l'allégresse sans fin!"

Pour terminer la cérémonie religieuse, eut lieu, à l'église, la bénédiction du Saint-Sacrement.

 

Enfin, au presbytère, M. le maire, Charles Brançon, entouré de son conseil, adresse, à Mgr Louvard, de grands remerciements en promettant que la première sonnerie des cloches se fera en son honneur!

 

Les parrains et marraines ont alors la charge de distribuer les dragées d'usage!

". . . . Tâche assez difficile au début: le siège est fait! Il faut se dégager! Mais ils sont en nombre! Après quelques décharges d'un nouveau genre de mitraille, ils s'ouvrent un passage et sillonnent le village de leurs largesses. C'est bruyant! Bientôt le calme; chacun rejoint connaissances et amis: c'est l'heure des agapes. Tout le monde est content!"

 

Dans "l'écho paroissial d'Audeloncourt" relatant l'événement, M. le Curé Girault ne manque pas  de remercier chaleureusement tout ceux qui ont participé, de près ou de loin, à la réussite de cette belle journée!  

 

La reconstruction du clocher fut entreprise au cours de l'été 1920 et, le 24 septembre de cette année-là, la Croix pu à nouveau dominer l'église. Elle fut remise en place par E. Rodier

Cependant, du fait d'un différend entre la municipalité et le clergé, au sujet de la sonnerie du glas (ou pas) lors des enterrements civils, les cloches restent à leur emplacement extérieur pendant encore quelques mois: ce n'est qu'en novembre que le vote favorable du conseil municipal autorise l'installation des cloches à leur emplacement définitif: dans le clocher!

 

l'église d'Audeloncourt actuellement

(fin juin 1968)

 

 

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